Souplesse des juges quant à l’intitulé des postes de préjudices – commentaire d’arrêt

Souplesse des juges quant à l’intitulé des postes de préjudices – commentaire d’arrêt

Publié le : 28/07/2021 28 juillet juil. 07 2021

En matière d’accident de la route et de poste d’indemnisation des préjudices corporels, il est fréquent d’entendre parler de préjudice professionnel dont la réparation est destinée à combler la perte de revenus professionnels de la victime, compte tenu de la survenance de l’accident.
Lorsque la victime est scolarisée, le préjudice scolaire est un poste de réparation admis dès lors que la victime prend un retard dans sa formation ou que ses choix d’orientation sont bouleversés compte tenu de l’accident.

Lorsque les juridictions manquent de clarté dans les intitulés des postes, la Cour de cassation se montre indulgente, à l’instar de sa décision du 1er avril dernier.

Dans l’affaire en question, un jeune garçon roulant à motocyclette est victime d’un accident de la route impliquant un conducteur de voiture déclaré responsable.

À l’époque des faits, la jeune victime se prédestinait au métier de maréchal-ferrant et envisageait de passer un BEP en ce sens. Compte tenu de l’accident, ce passage d’examen a été repoussé de trois ans, date à laquelle son diplôme est obtenu et lui permet un an plus tard de s’installer en auto-entrepreneur comme maréchal-ferrant.

Un litige né sur les postes d’indemnisation, et l’assureur du responsable de l’accident va jusque devant la Cour de cassation pour contester le fait qu’il a été fixé la réparation de deux sommes :
  • Une pour pertes de gains professionnels futurs et préjudice scolaire, sur le fondement d’une évaluation de sa perte financière, tenant au retard dans son démarrage d’activité professionnelle, à une moindre rentabilité de celle-ci, à une limitation de ses possibilités de reconversion, alors qu’il exerce un métier qui ne peut être poursuivi toute une vie professionnelle, et à la perte corrélative des droits à la retraite ;
  • Une au titre de l’incidence professionnelle, au titre la pénibilité accrue de son emploi et d'un moindre intérêt à l'exercice de sa profession dont il souffre.

Selon l’assureur, le même préjudice est indemnisé deux fois puisque « le poste de « perte de gains professionnels futurs » indemnise la perte de revenus résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la victime d’exercer totalement ou partiellement l’activité lui procurant le niveau de revenu qui était le sien au jour du fait dommageable et que le poste « incidence professionnelle » indemnise les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à la nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le fait dommageable au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap ».

Cependant, la Cour de cassation reconnaît qu’en l’espèce la Cour d’appel a fait l’usage d’un intitulé inapproprié, mais constate qu’il n’est nullement question d’indemniser deux fois le même préjudice.

La juridiction de second degré a en effet suffisamment détaillé et justifié les deux postes de préjudice, de sorte qu’on lui excuse l’usage d’intitulés erronés au bénéfice, pour la victime, d’une réparation juste et intégrale de son préjudice.


Référence de l’arrêt : Cass. civ 2ème 1er avril 2021 n°19-16.877

 

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