Bonne action médicale postérieure à une erreur médicale : impact sur le taux de perte de chance

Bonne action médicale postérieure à une erreur médicale : impact sur le taux de perte de chance

Publié le : 02/08/2021 02 août août 08 2021

Quand l’intervention de l’équipe médicale afin d’éviter la survenance d’un dommage en crée un autre, qu’en est-il de la responsabilité de l’établissement hospitalier ?


Dans une décision du 6 mai 2021, le Conseil d’État a justement été saisi d’une telle situation.

Dans les faits, une mère a été admise dans un centre hospitalier pour accoucher d’un enfant présentant un poids supérieur à cinq kilos, entraînant lors de l’accouchement une dystocie des épaules, soit une absence totale d'engagement des épaules dans le bassin malgré l’engagement de la tête du bébé.
L’équipe obstétricale procède donc à des manœuvres permettant d’extraire l’enfant, lesquelles ont pour conséquence de causer une paralysie du plexus brachial (ensemble de nerfs commandant les bras).

Par un premier jugement, le centre hospitalier est condamné à verser des indemnités prévisionnelles à hauteur de 20 800 euros, lesquelles sont diminuées à 7800 à la suite d’une décision prononcée sur appel du centre hospitalier. Décision prise sur le fondement de la perte de chance d’éviter le préjudice final, intervenant lorsqu’il y a incertitude quant à la réalisation ou non du dommage si l’acte médical avait été parfaitement adapté.

Les parents de l’enfant forment un pourvoi contre cette décision.

Il est reproché à la juridiction d’appel d’avoir réduit l’indemnisation en ayant retenu plusieurs éléments de nature à se traduire par une réduction du taux de perte de chance imputable à la faute commise par l’établissement de santé :
  • Le défaut pour la patiente d’avoir respecté les consignes de grossesse en matière d’hygiène alimentaire et d’activité physique, ayant encouru au surpoids de son enfant et donc à un risque accru de dystocie des épaules lors de l’accouchement ;
     
  • Le fait pour l’équipe obstétricale d’avoir réagi avec rapidité en obtenant après la manœuvre fautive, l’expulsion du fœtus, ramenant ainsi le taux de perte de chance à 15% au lieu des 50% estimés par les experts.

Le Conseil d’État saisi des griefs rappelle en premier lieu que  « Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public de santé a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage advienne. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».

Ainsi, en retenant les arguments précédemment énoncés pour réduite l’indemnisation et réduire le taux de perte de chance, la Haute juridiction administrative juge que la Cour d’appel a commis une erreur de droit.
La pratique médicale permettant d’extraire le nouveau-né a eu pour simple effet de ne pas aggraver la situation, et non de l’améliorer. Quant au fait d’évoquer la conséquence du surpoids de la patiente comme risque supplémentaire à une dystocie des épaules au moment de l’accouchement, elle n’est pas de nature à justifier la réduction du taux de perte de chance puisque ce dont il doit être tenu compte dans la détermination de ce taux, c’est la probabilité d’un accouchement dystocique en l’absence de toute faute de l’établissement.

Peu importe qu’une pratique médicale postérieure à une erreur ait eu lieu, cette dernière a pour simple conséquence de ne pas aggraver le préjudice, sans pour autant le diminuer.


Référence de l’arrêt : Conseil d’État 5ème et 6ème chambre réunies, 6 mai 2021 n°428154

 

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